Silent Voice, KyoAni, Naoko YAMADA et une salle de cinéma

KyoAni, avec YAMADA à la réal, va animer le film de Silent Voice. Chouette ! Mais qui est YAMADA et qui est en charge de la prod ? Quelques éléments de réponse.

Tout d’abord quelques bases qui pourront sembler évidentes à certains d’entre vous mais qu’il est bon de rappeler. Un studio d’animation n’a, dans la grande majorité des cas, que la tâche d’animer une oeuvre. Ils sont contactés par un comité de production, constitué de maisons de productions/disques/jeux vidéo/autres, et sont des simples sous-traitants, n’ayant aucun impact dans les décisions importantes et ne touchant que la somme d’argent que leur donne le comité, qu’importe le succès de l’anime. Les animés sont, dans l’énorme majorité des cas, diffusés la nuit entre 22h et 3h du mat et ils ne touchent donc qu’un public otaku. Ceci étant dit, revenons rapidement sur KyoAni.

AIR

Kyoto Animation a été créé en 81 et a commencé à fonctionner en 85 en tant que sous-traitant pour d’autres studios d’animation et s’occupait de dessiner les dessins d’intervalles, par exemple sur InuYasha. Ils ont animé leur première série avec FullMetal Panic Fumoffu, travail qui leur a été donné par Fuji TV et Kadokawa. Puis, en 2004, c’est Movic, TBS et Pony Canyon qui les ont contactés pour leur demander d’animer Air. Je passe sur pas mal de détails et les différents rôles de Fuji TV, Movic et TBS dans les comités de prod. Les deux principaux, qui vont accompagner KyoAni pendant des années sont Kadokawa, une maison d’édition et producteurs d’animes ainsi que Pony Canyon, une maison de disques, de distribution et producteurs d’animes. Les deux vont collaborer très fréquemment avec KyoAni. Jusqu’à Nichijou, après quoi Kadokawa va plus ou moins couper les ponts avec KyoAni.

En 2009, KyoAni va lancer son concours de LN et les gagnants reçoivent une adaptation anime, Chu2Koi étant le premier. Cela représente un énorme changement chez KyoAni. Avant, ils n’étaient que sous-traitants mais pour la première fois, ils vont animer une oeuvre qui leur appartient et deviennent membre principal du comité de production. Je saute encore quelques années et nous voilà début 2015 avec Hibike! Euphonium. Pour la première fois de son histoire, KyoAni est allé chercher de lui-même une oeuvre. Pour être tout à fait précis, Eharu OOHASHI et Riri SENAMI, producteurs chez KyoAni, sont allés voir Takarajimasha, la maison d’édition publiant le novel, pour leur demander une adaptation en anime de Euphonium chez KyoAni. Et nous voilà octobre 2015, avec l’annonce d’un film Silent Voice chez KyoAni réalisé par Naoko YAMADA. Mais YAMADA, qui est-ce ?

Chu-2-Byo-Demo-Koi-ga-Shitai

YAMADA est une femme qui est un pur produit de KyoAni. Elle s’est formée dans leur école d’animation et est créditée pour la première fois en tant qu’intervalliste sur les OAV de Munto. Elle a ensuite fait de l’animation clé sur Air puis est devenue storyboardeuse et réalisatrice d’épisode sur Clannad. Lorsqu’en 2009, TBS contacte KyoAni pour l’adaptation du manga K-On!, c’est YAMADA qui est, pour la première fois, nommée réalisatrice. La 1ère saison de K-On! colle beaucoup au manga, YAMADA ne se permettant encore que peu de libertés. L’animé rencontre pourtant un succès certain et TBS commande une seconde saison, toujours avec YAMADA à la réal. Cette fois-ci, YAMADA se permet énormément de libertés et ne suit en fait pratiquement plus du tout le manga de base, créant sa propre oeuvre. Il en résulte un animé incroyable, en tous points supérieurs à la première saison et qui sait transmettre ses émotions, que ce soit la joie ou les pleurs, de manière incroyable.

Quelques années plus tard, c’est YAMADA qui a la charge de Tamako Market, la première production originale de KyoAni. L’animé ne rencontre pas le succès critique mais qu’importe, YAMADA aime énormément son oeuvre et la poursuit, cette fois-ci sous forme cinématographique avec Tamako Love Story. La réalisatrice signe ici une oeuvre magnifique, d’une beauté époustouflante et d’une rare justesse sur les sentiments. Love Story est une histoire d’amour formidable et touchante. Elle recevra pour ce film le prix récompensant les jeunes réalisateurs du Japan Media Arts Festival en 2014. Puis au début d’année, elle officie en tant que réalisatrice sur Hibike! Euphonium en duo avec Tatsuya ISHIHARA. Elle en tant que Réalisatrice de la Série, ce qui signifie que c’est elle qui va amener les idées au niveau de la réalisation et superviser toute l’animation, tandis qu’ISHIHARA est Réalisateur et sera celui qui va valider. Hibike! Euphonium, après des débuts difficiles, est un succès critique et commercial énorme et de nombreuses personnes regrettent que l’anime ait été diffusé au milieu de la nuit plutôt que sur des créneaux plus mainstream.

Au cours de toutes les séries où elle a été réalisatrice, YAMADA a toujours travaillé avec Pony Canyon et plus particulièrement avec un certain Shinichi NAKAMURA. YAMADA et NAKAMURA se sont trouvés assez vite et partagent des goûts musicaux similaires, ce qui est assez pratique puisque, rappel : Pony Canyon est une maison de disques et cherche donc à placer ses artistes sur les animés qu’il produit.

Hibike

Tout ceci est bien beau mais comment KyoAni et YAMADA ont-ils réussis à animer le film de Silent Voice ?

Tout d’abord, quels sont les trois points que l’on sait pour sûr ? KyoAni va animer la série, YAMADA va la réaliser et Shochiku va le distribuer. À partir de là, je rentre dans le domaine des hypothèses.

Première hypothèse : Kodansha, l’éditeur de Silent Voice, a contacté KyoAni. C’est l’hypothèse la moins probable puisque Kodansha et KyoAni n’ont jusqu’à présent jamais eu de contacts. De plus, Silent Voice est un manga terminé et il n’y a donc plus de nouveaux tomes à promouvoir. L’intérêt de Kodansha d’être le principal producteur de l’animé est assez nul, d’autant plus que c’est un rôle qu’ils n’ont pris que de manière très exceptionnel et n’aiment pas forcément s’y aventurer. C’est de plus la pire solution pour KyoAni puisqu’ils redeviendraient de simples sous-traitants, comme ils l’étaient à une époque avec Kadokawa.

Deuxième hypothèse : Les producteurs chez KyoAni tenaient énormément à animer Silent Voice et, comme avec Takarajimasha, ils sont allés voir Kodansha pour leur demander d’animer le manga. On a pareil, ce manque de contacts pré-existants entre KyoAni et Kodansha. Cela reste tout de fois plausible puisqu’on a vu que KyoAni chercher à animer des oeuvres ne leur appartenant pas mais en étant principal producteur. Cependant, il manquerait dans ce cas encore du monde dans le comité de production puisque KyoAni n’a pas les moyens pour financer ce film seul et il leur faut du monde pour s’occuper de toute la partie sonore.

Troisième hypothèse : Pony Canyon a servi d’intermédiaire. Soit Pony avait le voeu de produire une adaptation animé de Silent Voice soit KyoAni est passé par eux pour contacter Kodansha. C’est ici l’hypothèse la plus probable et cela résout la grande majorité des problèmes. Il y a des contacts entre KyoAni et Pony avec l’intermédiaire de NAKAMURA. On sait aussi qu’il y a des contacts entre Pony et Kodansha, par exemple par l’intermédiaire de Tetsuya KINOSHITA qui a été le producteur de Shingeki no Kyojin chez Pony. De plus, et KyoAni et Pony Canyon partagent cette envie de produire/réaliser des oeuvres à destination du grand public. Pony avait déjà tenté l’expérience du cinéma avec, entre autres, les films de SnK. Rajouté à l’équation Shochiku en tant que distributeur, on a ici un combo gagnant. KyoAni par l’intermédiaire de YAMADA, peut réaliser une oeuvre grand public et se concentrer sur la réalisation en travaillant avec une base, puisque l’écriture d’une série de 0 reste encore leur point faible. Pony Canyon peut vendre énormément de CD d’un film de Silent Voice pour peu qu’ils se débrouillent bien. Comme disait Nock, pour les CharaSong, faudra voir une prochaine fois, mais un film comme celui-ci peut se retrouver magnifier avec une bonne bande-son. Les deux peuvent en plus se baser sur la force de Kodansha, actuellement plus grosse maison d’édition du Japon, pour toute la publicité et sur Shochiku, qui est un véritable empire, pour la distribution.

Le film réunit, très probablement, 4 noms qu’on aurait pas forcément vu ensemble mais qui peuvent, ensemble, réussir un film magistral et sublime. Film qui, je l’espère, permettra à YAMADA de se faire connaître. On est ici dans une situation comme a pu la vivre HOSODA peu avant La Traversée du Temps. Ce film est très clairement un tournant dans la vie de KyoAni, de YAMADA et possiblement de Pony Canyon. Espérons qu’ils le prennent bien.


Publié

dans

, ,

par

Commentaires

Une réponse à “Silent Voice, KyoAni, Naoko YAMADA et une salle de cinéma”

  1. […] Si vous ne connaissiez pas Kyoto Animation, c’est le terrible studio qui a produit Hyouka, Suzumiya Haruhi et plus récemment Hibike Euphonium (disponible sur Crunchyroll). Un studio qui sait se démarquer des autres sur de nombreuses facettes aussi bien sur la qualité de son animation, son chara-design (qui fait son identité), ses histoires que sur sa structure elle-même. En effet il n’est pas courant pour un studio de produire ses propres séries, la coutume voulant qu’ils ne soient que des contractants pour les grandes maisons d’édition comme Kadokawa ou Kodensha au Japon. Si on voulait en rajouter un peu plus sur la grandeur de KyoAni (comme on l’abrège habituellement) et être en raccord avec l’actualité, il faudrait parler des monstres qu’elle contient en son sein comme Ishihara Tatsuya (Storyboard sur Clannad, Air, Kanon,…) ou Naoko YAMADA, réalisatrice sur K-On, Hibike Euphonium, Tamako Love Story et prochainement sur l’adaptation du manga A Silent Voice (cf. Silent Voice, KyoAni, Naoka YAMADA et une salle de cinéma) […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *